Comment faire quand on manque de soutien ?
C'était le thème de la revue ALLAITER AUJOURD'HUI, éditer par la LLL en 2003, année ou j'ai écrit mon témoignage. J'avais envie de vous le faire partager. Je ne l'ai pas retouché, dans son jus, il a toute sa valeur.
Le
manque de soutien est sans doute l’expérience la plus difficile à vivre pour la
jeune mère et le couple en général. Après l’extase et l’attention dont
on fait l’objet pendant la grossesse, vient la période de post-partum ou l’on a
rempli sa mission et mit au monde un enfant, objet de toutes les attentions et
remarques. La mère ayant tenu son rôle, elle est reléguée au fond de son lit de
maternité, subissant les remarques plus ou moins appuyées du personnel
« j’ai allaité trois semaine mes enfants et c’est largement
suffisant ! lui dit une aide puéricultrice par ailleurs adorable « et
de la famille, souvent déstabilisantes et culpabilisantes au possible et très
anxiogène.
La voilà qui rentre chez elle à peine remise de cette naissance,
totalement consciente de la responsabilité incroyable que lui donne cette vie
minuscule et déjà très présente, angoissé à l’idée de ne pouvoir répondre à ses
besoins, rongé par l’idée de mal faire, de ne pas savoir comprendre ce bébé,
magnifique fantasme gestationnel, entré dans sa vie comme un ouragan … et pour
perpette ….
Le père doit bientôt retourner dans la vie sociale pour y
recueillir les témoignages amicaux des collègues et les félicitations de
rigueur. Mais elle, elle est là avec les seins gonflés, le périnée douloureux,
les doutes, la fatigue et les angoisses qu’elle ne sait pas vers qui exprimer.
Ce bébé est un inconnu exigeant et fragile, il lui faut
l’adopter, le conquérir, le soulager, le bercer, le rassurer… et quant elle se
tourne vers sa mère pour s’ouvrir de ce qu’elle ressent elle ne rencontre que
doutes et critiques, regards appuyer sur sa façon de faire. Les réflexions du
genre « pourquoi ne le passes-tu pas au biberon ? Je me souviens à
ton époque c’était le lait Alma » et elle de répondre sèchement :
j’ai du lait et je ne vois pas pourquoi je le passerai au biberon ….
Et puis un jour, le bébé âgé de 4 semaines ne cesse de
pleurer, elle n’est toujours pas douchée, elle n’a pas mangé, il est 16 heures,
elle pleure et le bébé pleure ! L’angoisse monte et ce leitmotiv « je
n’ai plus assez de lait, mais je ne sèvrerai pas, je ne sèvrerai pas
…. » ; elle cherche dans l’annuaire ce nom bizarre qu’elle a déjà lu
dans son livre sur l’allaitement pendant sa grossesse :
La LLL
et ne le trouve pas. Alors
elle téléphone au Lactarium de Dijon et là miracle, la dame de l’autre côté du
téléphone l’a rappelle pour lui donner les coordonnées de l’animatrice :
Dominique M. Elle ne perd pas une minute et l’enfant toujours accroché à
son sein douloureux, elle appelle cette femme : une voix lumineuse,
chaleureuse et accueillante l’entend dans sa douleur et son indescriptible
angoisse : « un bébé de 4 semaines qui tête 10 ou 12 fois par jour
est un bébé normal ! ! Certains vont même jusqu’à 15- 20 tétées par
jour et cela sans que cela soit alarmant et hors norme » mais ce n’est pas
culturel dans notre société de dormir avec bébé et de le nourrir de lait et de
bras à la demande…
La première réunion à laquelle elle assiste a lieu le 11
févier 1997, son fils a 6 semaines. Elle parcourt Chenôve comme on va en
pèlerinage et arrive enfin à l’adresse indiquée. Et là elle entre dans le sein
du Gynécée qui manque tant dans notre société : il y a là des mères avec
des nourrissons, des bébés, des bambins. A côté d’elle une femme allaite un
enfant de trois ans à son plus grand étonnement, une autre, Edith annonce qu’elle
a 4 enfants et 8 ans d’allaitement pratiquement non-stop et lui dit préférer
allaiter allongée, position plus confortable pour elle, révélation
gigantesque : elle n’y avait pas songé et s’étonnait de se réveiller à 3
heures du matin, inconfortablement assise dans son lit, son fils endormi
sereinement.
Toutes ces femmes n’ont jamais su ce qu’elles avaient fait
pour elle ce jour là : elle a rencontré son Fils. Il a dormi dans ses bras
durant toute la réunion, a fait son rôt en dormant, lui qui avait des coliques
inimaginables, et suprême cadeau lui a souri pour la première fois en se
réveillant !
Le soir, le père n’a pas reconnu sa femme : elle est
revenue métamorphosée, légère, confiante, aimante et sûr du bien qu’elle donné
à leur enfant et à leur couple.
Sa mère quant à elle lui dit : « il était temps, je
commençais à m’inquiéter, je me demandé si tu allais y arrivé
Cette jeune femme s’est moi, il y a 6 ans et demi, à la
naissance de mon premier enfant : Pierre-Edouard. Depuis il y a eu Emma, 3
ans, née prématurément et Anaïs, 1 an. Cela fait 6 ans que j’allaite de tout
mon saoul mes petits, et lorsque j’y repense j’ai tendance à dire que je n’ai
jamais connu de galères mais lorsque j’écoute les interventions des mamans lors
des réunions, des souvenirs me submergent : il y a eu des grèves de
tétées, des réflexes d’éjections comme des torrents, des nuits mouvementées …
mais par-dessus tout du Bonheur.
Dominique a été là dès que les doutes me prenaient et à la
lumière de son expérience et des publications de
la LLL
j’ai cheminée sous le
regard aimant et attentif du papa.
Sans l’association, sans l’appui, le soutien et l’amitié de
Dominique puis d’Agnès et des mères, je pense que je serai passé à côté de mon
fils, bébé aux besoins intenses nullement répertorié dans les manuels, les
magasines ou chez les professionnels de santé.
Quand je vois quel enfant sublime dans sa personnalité il
est, quand je le vois s’occuper des ses sœurs ou des autres petits autour de
lui, être attentif aux pleurs d’un enfant et ne pas comprendre quand la maman
du bébé le laisse pleurer, je me dis que c’est un magnifique atout pour
l’avenir de notre monde. Il porte un regard attentif et chaleureux autour de
lui et les premières à en bénéficier sont ses deux petites sœurs qu’il entoure
chaleureusement.
Ma petite Emma est à l’âge des poupées mais elle les allaite
et les porte dans son dos comme je l’ai fait avec elle et avec sa sœur. Quant à
Anaïs, elle profite de ce que le « maternage naturel » des grands m’a
apporté de sérénité et de force.
Nous avons besoins de paroles pour grandir lorsque nous sommes
enfant, il en va de même lorsque nous devenons mère. Sans soutien, c’est la
solitude, la dépression et la maltraitance n’est pas loin lorsque nous ne
prenons pas soin des mères et des pères. La maltraitance commence lorsque l’on
ne répond pas aux besoins d’un petit, lorsque nous nous laissons polluer par
les paroles fielleuses de l’entourage, lorsque nous ne laissons pas notre
instinct, si puissant, nous guider, parce qu’il faut du courage pour s’affirmer
différente dans cette société de la pensée unique.
Pour moi, Pierre-Edouard a eu deux naissances et deux
mamans : celle du 2 janvier 1997, et celle du 11 février suivant, date de
mon entrée à
la LLL.