La tétée d'accueil
Ce jour-là, je rencontre un jeune couple un peu atypique. La dame est en surveillance fœtale pour une menace de map.* C’est sa première grossesse.
Ils sont intéressés par le portage en écharpe et ont beaucoup de questions.
Lui est chercheur en langue à l’Université. Une grande culture, un vocabulaire riche. Sa femme travaille également à l’Université. Elle est aussi grande et forte, que lui est mince, de stature moyenne.
Je leur fais une démonstration de portage ventral. Visiblement, ils accrochent bien avec le concept et posent dix mille questions. Nous discutons longtemps, de tout, de la maternité, de l’arrivée de l’enfant.
Je demande à la maman si elle souhaite allaiter. Elle répond ne pas savoir franchement. Lui non plus, ne se positionne pas.
En fait, je ressens chez cette femme une grande pudeur, quelque chose qu’elle ne maîtrise pas. Au fil de la discussion, je comprends que tous les deux ont été choqués, de voir des bambins téter leur mère et que la désinvolture de certaines leur a profondément déplus. Ils l’expriment parfaitement tous les deux. Ils conçoivent l’allaitement uniquement dans la sphère privée. Et pourquoi pas, leur demandais-je alors ? Ils me regardent un peu interloqués. Je continue « vous a t on parlé de la tétée d'accueil à la naissance ? »
Evidemment non, comme je m’y attendais. Lui me demande alors ce que j’entends par là.
J’explique en mots simples : « l’allaitement, ce n’est pas inné, on ne peut pas savoir si cette relation nous plaira. C’est comme tout, il faut savoir un minimum de choses pour prendre une décision. Personnellement, je trouve dommage de ne pas donner à l’enfant qui vient de naître, le colostrum qui lui est destiné. C’est un geste tout simple, mais d’une grande importance » ; j’énumère les aspects positifs de ce don, tant pour l’enfant que pour la mère ; et surtout, je leur dit qu’accueillir de la sorte son enfant, est un moment unique, pour eux, pour lui mais qu’en aucun cas, il ne met en route la lactation. Cela leur ouvre la porte et leur permet de faire un choix. « Il me parait plus simple de donné le sein en salle de naissance et de prendre la décision de ne pas continuer, plutôt que d’avoir le regret de ne pas l’avoir fait au bout de 3 jours, là c’est plus compliqué ».
« Rien ne vous empêche, ensuite, si vous avez aimé ce moment, d’allaiter votre bébé à la maison, en toute intimité et de lui donner le biberon de votre lait ou de lait artificiel, à l’extérieur. »
Je leur donne ensuite des références de livres sur l’allaitement et le maternage en général ainsi que les associations locales ou ils peuvent avoir des renseignements.
Vous allez me dire, oh Côté Cœur, tu fais du prosélytisme ! Non, pas du tout, ! Si ? Vous croyez ?? Peut-être ...
J’informe parce que cette info-là, on ne la voit que rarement, que chacun est libre de choisir ce qui lui convient à condition d’avoir accès à l’information, en toute quiétude.
Je me place à la fois du coté des
mamans : essayer, ce n’est pas forcément l’adopter, mais au moins, vous
saurez pourquoi et du coté de l’enfant, parce qu’accueilli dans la chaleur du
giron, retrouvant l’odeur et goûtant un liquide savoureux et bourrés d’amphétamines,
d’anti-corps et autres merveilles que notre corps sait si bien fabriquer, moi,
je trouve que y’ a pire pour commencer sa vie sur notre bonne vieille Terre non ?
Alors ?? Finalement, ils ont fait quoi ces jeunes parents ??
Ils sont venus me présenter leur petite fille, une jolie poupée toute blonde et ronde, et c’est le papa, tout fier, qui m’annonça « nous avons réfléchi à ce que vous nous aviez dit, nous nous sommes documentés et nous avons donné le sein à la naissance. Et depuis, elle est en mixte : sein à la maison et biberon du lait de maman dehors, et comme ça, moi, je participe »
Ce n’est pas génial ça ??
* MAP : menace d'accouchement prématuré